Nature & Montagnes
Le glacier d’Aletsch, sentinelle des Alpes suisses
Classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, le glacier d’Aletsch fascine par sa grandeur et son évolution. Les scientifiques y observent les effets directs du réchauffement climatique sur les Alpes.
2025-10-04 15:16 — Chronique de Nicolas Perret
    Dominant la vallée du Rhône, le glacier d’Aletsch s’étend comme une mer de glace figée dans le temps. Avec ses vingt-trois kilomètres de long, il est le plus vaste des Alpes. Depuis les hauteurs de la Jungfrau, le regard se perd dans cet enchevêtrement de crevasses et de reflets bleutés. À chaque saison, la lumière y sculpte des paysages mouvants, mêlant beauté fragile et grandeur silencieuse.
Inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2001, le glacier d’Aletsch n’est pas seulement un spectacle pour les randonneurs ; il est aussi un témoin précieux des bouleversements climatiques. Les chercheurs y mesurent, année après année, le recul inexorable de la glace. En un siècle, il a perdu plus de trois kilomètres de longueur et son épaisseur diminue de plusieurs mètres chaque décennie.
Sur les sentiers qui bordent l’Aletsch, les marcheurs croisent souvent des panneaux rappelant cette évolution. Certains points de vue indiquent la position du front glaciaire en 1950, en 1980, puis en 2000 : un voyage visuel dans le temps. Ces repères soulignent à quel point le glacier, autrefois immuable, est devenu un symbole vivant du changement climatique.
Les scientifiques du centre de recherche d’Interlaken observent le glacier à l’aide de capteurs, de drones et d’images satellites. Leurs études révèlent que la fonte accélérée modifie le paysage tout entier : les moraines s’effondrent, les torrents se forment, de nouveaux lacs apparaissent. Ce bouleversement affecte la faune alpine et menace certains écosystèmes rares adaptés au froid permanent.
Malgré cette réalité préoccupante, le site conserve une majesté intacte. Les visiteurs accèdent à l’Aletsch Arena par téléphérique depuis Bettmeralp ou Fiesch, avant de marcher sur des crêtes panoramiques. Par temps clair, on distingue les sommets du Cervin et du Mont-Blanc à l’horizon. Le silence, seulement troublé par le craquement lointain de la glace, inspire respect et méditation.
Les guides de montagne, eux, racontent l’histoire du glacier avec passion. Ils évoquent les explorateurs du XIXe siècle qui, armés de cordes et de carnets, cartographiaient cette étendue glacée. Aujourd’hui, ils accompagnent les visiteurs dans une démarche de sensibilisation, rappelant que chaque pas sur la glace est aussi un pas vers la conscience de sa fragilité.
Le glacier d’Aletsch demeure ainsi une sentinelle, à la fois monument naturel et message d’alerte. Il incarne la beauté et la vulnérabilité des Alpes suisses, ce patrimoine que le pays s’efforce de protéger. Face à lui, le voyageur comprend que la montagne n’est pas seulement un décor, mais un organisme vivant, dont le souffle dépend du nôtre.