Saveurs & Cuisine

La fondue revisitée : quand les chefs suisses innovent sans trahir la tradition

Dans les Alpes vaudoises, des restaurateurs réinventent la fondue. Herbes alpines, vins blancs locaux et fromages affinés composent des versions modernisées de ce plat emblématique.

2025-10-03 17:31 — Chronique de Étienne Maillard

La fondue revisitée : quand les chefs suisses innovent sans trahir la tradition

Plat emblématique des montagnes helvétiques, la fondue a longtemps symbolisé la convivialité et la simplicité. Pourtant, depuis quelques années, elle connaît une renaissance audacieuse. Aux quatre coins de la Suisse, des chefs revisitent ce classique hivernal sans en trahir l’âme. Dans leurs cuisines, les fromages s’accordent à de nouvelles textures et les saveurs traditionnelles s’ouvrent à la modernité.

À Vevey, le chef Lionel Giroud propose une version légère infusée aux herbes alpines. Le gruyère et le vacherin sont associés à une touche de serpolet sauvage et à quelques gouttes de vin blanc de Lavaux. Le résultat : une fondue aromatique, presque florale, qui conserve son onctuosité tout en surprenant par sa fraîcheur. Pour lui, « innover, ce n’est pas transformer, c’est affiner ».

Plus au sud, dans le canton du Valais, une autre interprétation séduit les amateurs de terroir. Le restaurant Alpage 1900 remplace partiellement le vin par un bouillon d’herbes et de légumes de montagne. Le plat devient plus digeste, sans rien perdre de sa profondeur. Le chef explique qu’il cherche à « redonner au fromage sa place de produit noble », respectueux de son origine et de la nature qui l’entoure.

Certaines maisons explorent même des associations sucrées-salées. À Lausanne, la Maison Loisel marie le fromage d’alpage à un miel d’acacia et à des noisettes torréfiées. L’équilibre étonne, mais le succès est immédiat. Les convives y voient un clin d’œil aux desserts chauds de la tradition romande, tout en redécouvrant la complexité des fromages suisses.

Les boissons accompagnant la fondue évoluent elles aussi. Si le vin blanc reste indissociable du rituel, les brasseurs locaux introduisent désormais des bières artisanales légères, et certains sommeliers osent proposer des thés fumés pour rehausser les notes lactées. Ces mariages inattendus redéfinissent la convivialité autour du caquelon.

Le service, quant à lui, change de visage. Dans plusieurs établissements, la fondue est servie en portions individuelles, dans de petits pots en fonte. Cette approche plus intime favorise la dégustation lente et la personnalisation : chaque client peut choisir son fromage, son pain ou ses accompagnements. Certains restaurants ajoutent même des légumes croquants ou des dés de poire caramélisée.

Les écoles culinaires suisses encouragent cette créativité tout en préservant l’authenticité. Les apprentis y apprennent que l’innovation passe d’abord par la maîtrise du geste. Savoir tourner le fromage à bonne température, ajuster la consistance, respecter le temps : autant de subtilités qui font de la fondue un art à part entière.

La renaissance de la fondue s’inscrit aussi dans un mouvement plus large : celui du retour aux produits locaux et de saison. Les chefs s’approvisionnent directement auprès des alpagistes, sélectionnant les meules affinées à la main. Cette proximité entre producteurs et cuisiniers garantit une qualité constante et renforce le lien entre tradition et création.

Ainsi, la fondue suisse du XXIᵉ siècle n’est ni figée ni transformée : elle respire, se réinvente et s’adapte aux goûts d’aujourd’hui. Elle demeure ce moment de partage autour du feu, où l’on rit, où l’on parle fort, où l’on savoure le temps. Une expérience simple, sincère et infiniment suisse, que chaque nouvelle génération s’approprie à sa manière.