Art & Culture

Art et horlogerie : quand les artisans fusionnent tradition et design

Dans le Jura bernois, des artistes collaborent avec des horlogers pour revisiter les codes du temps. Les pièces résultantes allient esthétique, précision et identité suisse.

2025-10-29 06:08 — Chronique de Pauline Reymond

Art et horlogerie : quand les artisans fusionnent tradition et design

Dans les ateliers du Jura bernois, le tic-tac des horloges se mêle au silence concentré des artisans. Ici, le temps n’est pas qu’une mesure : c’est une matière à sculpter, à polir, à sublimer. Depuis plusieurs années, une nouvelle génération d’horlogers-artistes réinvente la tradition suisse en la mariant à l’expression contemporaine. Leurs créations, à mi-chemin entre mécanique et poésie, redéfinissent les frontières entre artisanat et art.

Les manufactures historiques ouvrent leurs portes à des créateurs venus d’horizons variés : designers, graveurs, céramistes ou encore peintres miniaturistes. Ensemble, ils explorent de nouveaux matériaux : titane brossé, verre saphir teinté, bois précieux ou métaux recyclés. L’objectif n’est plus seulement de mesurer le temps, mais d’en raconter la beauté. Chaque montre devient une œuvre, un manifeste esthétique.

À La Chaux-de-Fonds, un collectif baptisé Atelier 38 fait figure d’avant-garde. Leurs pièces, souvent produites en séries limitées, associent cadrans gravés à la main et mouvements mécaniques restaurés. « Nous voulons que nos montres portent une trace humaine, une imperfection qui leur donne une âme », confie Léonard Ducret, l’un des fondateurs. Le succès est immédiat auprès des collectionneurs sensibles à cette philosophie artisanale.

Les grandes maisons ne restent pas en marge de cette mouvance. Patek Philippe, Audemars Piguet ou encore H. Moser & Cie collaborent avec des artistes pour imaginer des éditions spéciales où l’horlogerie devient tableau miniature. Certaines pièces exposées au Musée international d’horlogerie de La Chaux-de-Fonds attirent autant les amateurs d’art que les passionnés de mécanique fine.

Cette fusion entre art et horlogerie s’inscrit aussi dans une réflexion sur la durabilité. De plus en plus de marques privilégient les circuits courts et les métaux responsables, réduisant leur empreinte écologique sans renoncer à l’excellence. Les cadrans en email grand feu côtoient désormais des bracelets fabriqués en matériaux végétaux ou en cuir recyclé. Le luxe s’allie à la conscience environnementale.

L’aspect éducatif n’est pas en reste : plusieurs écoles d’horlogerie ont ouvert des cursus mêlant design et artisanat. Les étudiants y apprennent la précision du geste tout en développant une approche artistique. Cette transversalité redonne du souffle à une tradition séculaire, offrant à la Suisse un rôle de pionnière dans l’horlogerie créative et responsable.

Dans un monde dominé par la vitesse et la production en série, ces artisans rappellent que le temps, avant d’être un chiffre, est une émotion. Leurs montres ne cherchent pas à battre des records, mais à raconter une histoire : celle d’un pays où le savoir-faire devient art, et où chaque seconde se grave dans la mémoire du geste. Ainsi bat le cœur de l’horlogerie suisse : précis, patient et profondément humain.